A 20 ans justement j'avais le rêve ou l'ambition de devenir écrivain -poils aux mains, tout en apprenant les maths - poils aux pattes.
Petit trentenaire j'ai compris que c'était plus un rêve qu'une ambition, et papa tout neuf j'ai rétréci mes ambitions à vouloir être "juste quelqu'un de bien", comme chantonnait enzo enzo dans ce qui fut La chanson de l'année 1995, celle de mes 30 ans.
"...J'dis bonjour à la boulangère
Je tiens la porte à la vieille dame..."
Passé 40 j'ai laissé tomber également cette ambition, et ron et ron petit patapon. Même si je tiens toujours la porte à la vieille dame.
Il me reste des souvenirs, et peut-être des espoirs, quelque part, bien cachés.
L'exercice perecien du "je me souviens" je l'ai fait à 2 époques de mon existence, ça fera 3, après addition et soustraction (auto censure violente, y a des femmes et des enfants qui lisent)
je me souviens qu'Yves et moi n'allions à la fac - tard déjà dans la matinée - que pour y engloutir joyeusement un chocolat et trois croissants.
je me souviens d'une multitude de gares.
je me souviens de tous les hotels à bas prix de Strasbourg.
je me souviens d'un banc au bord de l'Ill et qu'une inconnue agée s'est assise à côté de moi pour me raconter sa vie.
je me souviens à Vitré avoir sauté du train au dernier moment afin d'échapper à un controleur têtu mais peu malin.
je me souviens de barques sur le canal du Nivernais, du soleil, de l'eau, du mouvement calme des avirons pendant une semaine et d'une grande chaleur en moi.
je me souviens des mêmes barques, gréées cette fois, au large des côtes bretonnes, tout un mois d'été.
je me souviens de nombreux ports et que nous dormions dans des écoles privées ou des presbytères.
je me souviens avoir volé une couverture chez des bonnes soeurs.
je me souviens que nous faisions notre tambouille le midi à bord des barques, et le soir sur un quai sale au bord d'eaux noires d'un port.
je me souviens y avoir mangé des boites d'haricots verts avec un pot de moutarde.
je me souviens écouter Coppens au collège de france parce qu'Isabelle y allait.
je me souviens avopir collé maintes affiches du ciné-club avec Jérome et que je l'engueulais tout le temps.
je me souviens qu'Yves et moi écoutions indéfiniment le requiem de Mozart, le "o solitude" de Purcell et les délires de Gotainer.
je me souviens que Jérôme et moi jouions plusieurs fois par jour au babyfoot et que je détestais perdre, même rarement.
je me souviens des claquements de bec de dizaines de cigognes dans un parc de strasbourg et que F. révisait même là.
je me souviens de cours de DEA à Jussieu mais absolument plus de leur contenu.
je ne me souviens pas de quand F. a commencé à me haïr.
je me souviens avoir pleuré deux fois devant ma psychanalyste.
je me souviens avoir pleuré bien plus de fois devant F. pour qu'elle ne parte pas, et elle me consolait chaque fois.
je me souviens n'avoir pas pleuré la dernière fois et l'ai laissée partir.
je me souviens être allé au collège et y avoir souffert.
je me souviens de deux bergers allemands haineux aboyant chaque jour sur mon passage.
je me souviens des cours de maths en prépa et qu'avec François nous les occupions à faire des concours de citations littéraires de mémoire.
je me souviens de longues marches le long du Tarn, de la nature triomphante et d'une sérénité énivrante.
je me souviens d'un garagiste, d'un agent immobilier, d'une secrétaire et d'un inconnu qui creva un pneu de ma voiture.
je me souviens avoir mangé seul des milliers de fois.
je me souviens des films de Mizoguchi.
je me souviens des jeunes filles en fleurs du chantier de fouilles de Locmariaquer, de la digue et du marais où se couchait le soleil après notre journée de travail, et que pour rentrer nous courrions les yeux fermés dans les champs de maïs.
je me souviens avoir essayé d'apprendre par coeur les Elégies de Duino pour les déclamer en secret et à voix haute.
je me souviens que je ne sais pas ce qu'est devenue une gentille colombienne prénommée Catalina.
je me souviens du bizutage en prépa et que je n'ai pas trouvé ça drole.
je me souviens que ma mère m'a battu une fois parce que j'avais lancé des cailloux sur les petites voisines...qui avaient commencé.
je me souviens qu'avec ma mère je cuisinais des flans, des gateaux de riz et des clafoutis sans lait, et qu'avec ma grand-mère je l'aidais à préparer des beregs, des keuftès et des dourmas.
je me souviens qu'ayant allumé un feu malgré les interdictions parentales, une braise me sauta au visage, me laissant une cicatrice que je gardais longtemps.
je me souviens qu'à Locmariaquer j'essayais de tailler du silex.
je me souviens de mon accident de mobylette pratique car juste devant l'entrée de l'hopital.
je me souviens difficilement du judo enfant, et d'un gamin dont les orteils étaient restés sous un camion.
je me souviens de ma mère ouvrant la fenêtre à la campagne pour nous appeler.
je me souviens de longues explorations solitaires en forêt pour éviter les corvées absurdes que mon père me trouvait, même un dimanche à la campagne.
je me souviens que les plus beaux immeubles du monde étaient à Prague.
je me souviens du plaisir d'être sâle, boueux, et archéologue amateur.
je me souviens que catherine regrettait d'être née.
je me souviens de mes petites copines de l'aide au devoirs, de Laetitia, 14 ans, ignorante, parfois vulgaire, mais si attendrissante et si mal armée pour la vie.
je me souviens de Céléides, 12 ans dont 11 au Brésil, née d'un viol, son doux visage indien ne laissant pas deviner le tranchant de son intelligence et de sa volonté.
je me souviens de la Seine à Andrésy, de la vieille église, de la rue pavée où habitait F.
je me souviens en Ardèche, avoir marché une semaine sans fatigue.
je me souviens de Claudine, ce prénom que ne porteront pas mes filles.
je me souviens de Santander et de ce gentil couple de mathématiciens, Lalo et Marie-José.
je me souviens des chats de Léautaud et des petites filles de Larbaud.
je me souviens de mon hotel sur le front de mer, de gambas, de Santillane del Mare que j'ai vu et des ours des monts cantabriques dont je n'ai qu'entendu parler.
je me souviens de mes petites plantations de moutarde, de cresson, de laitue et de trèfle nain.
je me souviens de mes longues promenades dans Paris, Barbès, la gare st lazare et la rue de budapest, Rivoli et ses bazars, Mouffetard et ses magasins de disques, les bouquinistes des quais.
je me souviens de la bibliothèque Baudoyer et de ses poubelles où je trouvais parfois des livres et des revues.
je me souviens avoir décidé à 29 ans de lire La Recherche en entier et dans l'ordre, pour changer.
je me souviens vaguement d'une pension de famille italienne que je suis sensé avoir inondée.
je me souviens avoir eu souvent l'impression que cette gourmande de F. m'aurait échangé contre un jus d'oranges fraiches pressées.
je me souviens avoir commencé des tas d'écrits.
je me souviens avoir corrigé bien plus encore de copies et que je verrais bien cette activité au programme des Enfers.
je me souviens de ma difficulté à faire le ménage dans mon appartement solitaire.
je me souviens de la bibliothèque Ste Geneviève où j'aimais me trouver quoique n'ayant rien à y faire.
je me souviens de C. regardant l'image de marais salants sur la saliere et disant fierement "chuis allé là-bas", avant d'oublier peu à peu qu'il est allé en Camargue.
je me souviens d'A. tombant d'un arbre, coulant à la piscine, trébuchant sur les quais de la gare.
je me souviens de N. me charmant comme si elle avait pris des cours de séduction féminine par correspondance in utero.
je me souviens de son petit corps prisonnier de la couveuse mais emprisonnant mon coeur.
je me souviens de presque tout ou de pas grand chose, selon qu'on voit le verre à moitié vide ou à moitié plein.
je me souviens d'une multitude de gares.
je me souviens de tous les hotels à bas prix de Strasbourg.
je me souviens d'un banc au bord de l'Ill et qu'une inconnue agée s'est assise à côté de moi pour me raconter sa vie.
je me souviens à Vitré avoir sauté du train au dernier moment afin d'échapper à un controleur têtu mais peu malin.
je me souviens de barques sur le canal du Nivernais, du soleil, de l'eau, du mouvement calme des avirons pendant une semaine et d'une grande chaleur en moi.
je me souviens des mêmes barques, gréées cette fois, au large des côtes bretonnes, tout un mois d'été.
je me souviens de nombreux ports et que nous dormions dans des écoles privées ou des presbytères.
je me souviens avoir volé une couverture chez des bonnes soeurs.
je me souviens que nous faisions notre tambouille le midi à bord des barques, et le soir sur un quai sale au bord d'eaux noires d'un port.
je me souviens y avoir mangé des boites d'haricots verts avec un pot de moutarde.
je me souviens écouter Coppens au collège de france parce qu'Isabelle y allait.
je me souviens avopir collé maintes affiches du ciné-club avec Jérome et que je l'engueulais tout le temps.
je me souviens qu'Yves et moi écoutions indéfiniment le requiem de Mozart, le "o solitude" de Purcell et les délires de Gotainer.
je me souviens que Jérôme et moi jouions plusieurs fois par jour au babyfoot et que je détestais perdre, même rarement.
je me souviens des claquements de bec de dizaines de cigognes dans un parc de strasbourg et que F. révisait même là.
je me souviens de cours de DEA à Jussieu mais absolument plus de leur contenu.
je ne me souviens pas de quand F. a commencé à me haïr.
je me souviens avoir pleuré deux fois devant ma psychanalyste.
je me souviens avoir pleuré bien plus de fois devant F. pour qu'elle ne parte pas, et elle me consolait chaque fois.
je me souviens n'avoir pas pleuré la dernière fois et l'ai laissée partir.
je me souviens être allé au collège et y avoir souffert.
je me souviens de deux bergers allemands haineux aboyant chaque jour sur mon passage.
je me souviens des cours de maths en prépa et qu'avec François nous les occupions à faire des concours de citations littéraires de mémoire.
je me souviens de longues marches le long du Tarn, de la nature triomphante et d'une sérénité énivrante.
je me souviens d'un garagiste, d'un agent immobilier, d'une secrétaire et d'un inconnu qui creva un pneu de ma voiture.
je me souviens avoir mangé seul des milliers de fois.
je me souviens des films de Mizoguchi.
je me souviens des jeunes filles en fleurs du chantier de fouilles de Locmariaquer, de la digue et du marais où se couchait le soleil après notre journée de travail, et que pour rentrer nous courrions les yeux fermés dans les champs de maïs.
je me souviens avoir essayé d'apprendre par coeur les Elégies de Duino pour les déclamer en secret et à voix haute.
je me souviens que je ne sais pas ce qu'est devenue une gentille colombienne prénommée Catalina.
je me souviens du bizutage en prépa et que je n'ai pas trouvé ça drole.
je me souviens que ma mère m'a battu une fois parce que j'avais lancé des cailloux sur les petites voisines...qui avaient commencé.
je me souviens qu'avec ma mère je cuisinais des flans, des gateaux de riz et des clafoutis sans lait, et qu'avec ma grand-mère je l'aidais à préparer des beregs, des keuftès et des dourmas.
je me souviens qu'ayant allumé un feu malgré les interdictions parentales, une braise me sauta au visage, me laissant une cicatrice que je gardais longtemps.
je me souviens qu'à Locmariaquer j'essayais de tailler du silex.
je me souviens de mon accident de mobylette pratique car juste devant l'entrée de l'hopital.
je me souviens difficilement du judo enfant, et d'un gamin dont les orteils étaient restés sous un camion.
je me souviens de ma mère ouvrant la fenêtre à la campagne pour nous appeler.
je me souviens de longues explorations solitaires en forêt pour éviter les corvées absurdes que mon père me trouvait, même un dimanche à la campagne.
je me souviens que les plus beaux immeubles du monde étaient à Prague.
je me souviens du plaisir d'être sâle, boueux, et archéologue amateur.
je me souviens que catherine regrettait d'être née.
je me souviens de mes petites copines de l'aide au devoirs, de Laetitia, 14 ans, ignorante, parfois vulgaire, mais si attendrissante et si mal armée pour la vie.
je me souviens de Céléides, 12 ans dont 11 au Brésil, née d'un viol, son doux visage indien ne laissant pas deviner le tranchant de son intelligence et de sa volonté.
je me souviens de la Seine à Andrésy, de la vieille église, de la rue pavée où habitait F.
je me souviens en Ardèche, avoir marché une semaine sans fatigue.
je me souviens de Claudine, ce prénom que ne porteront pas mes filles.
je me souviens de Santander et de ce gentil couple de mathématiciens, Lalo et Marie-José.
je me souviens des chats de Léautaud et des petites filles de Larbaud.
je me souviens de mon hotel sur le front de mer, de gambas, de Santillane del Mare que j'ai vu et des ours des monts cantabriques dont je n'ai qu'entendu parler.
je me souviens de mes petites plantations de moutarde, de cresson, de laitue et de trèfle nain.
je me souviens de mes longues promenades dans Paris, Barbès, la gare st lazare et la rue de budapest, Rivoli et ses bazars, Mouffetard et ses magasins de disques, les bouquinistes des quais.
je me souviens de la bibliothèque Baudoyer et de ses poubelles où je trouvais parfois des livres et des revues.
je me souviens avoir décidé à 29 ans de lire La Recherche en entier et dans l'ordre, pour changer.
je me souviens vaguement d'une pension de famille italienne que je suis sensé avoir inondée.
je me souviens avoir eu souvent l'impression que cette gourmande de F. m'aurait échangé contre un jus d'oranges fraiches pressées.
je me souviens avoir commencé des tas d'écrits.
je me souviens avoir corrigé bien plus encore de copies et que je verrais bien cette activité au programme des Enfers.
je me souviens de ma difficulté à faire le ménage dans mon appartement solitaire.
je me souviens de la bibliothèque Ste Geneviève où j'aimais me trouver quoique n'ayant rien à y faire.
je me souviens de C. regardant l'image de marais salants sur la saliere et disant fierement "chuis allé là-bas", avant d'oublier peu à peu qu'il est allé en Camargue.
je me souviens d'A. tombant d'un arbre, coulant à la piscine, trébuchant sur les quais de la gare.
je me souviens de N. me charmant comme si elle avait pris des cours de séduction féminine par correspondance in utero.
je me souviens de son petit corps prisonnier de la couveuse mais emprisonnant mon coeur.
je me souviens de presque tout ou de pas grand chose, selon qu'on voit le verre à moitié vide ou à moitié plein.
Quand j'ai commencé à découvrir les moeurs de la blogosphère et en particulier les chaines je me suis étonné de ne rencontrer nulle part une chaine perecienne du "je me souviens", ça me semblait pourtant parfaitement adapté aux blogs. Alors si cela tente quelqu'un...
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Comme promis à Tili , une petite question mathématique totalement et entièrement inutile. Le beau est inutile et l'inutile est beau.
Imaginons qu'on vous donne un cercle et que vous en ayez perdu le centre, comment le retrouver avec rien d'autre qu'un compas, même pas une règle, votre petit dernier l'ayant cassé en la transformant en catapulte pour billes ?
Ce n'est pas facile du tout, je vous préviens, et il ne s'agit pas de le trouver approximativement mais de faire une jolie construction au compas sur cette figure là, construction qui redonne le centre perdu.