06 avril 2008

l'enfer du kayak, la suite

mais pas la fin (un croisement arménien-lyonnais vous n'imaginez même pas comme c'est têtu et obstiné)

Ce samedi après-midi il y avait une sortie rivière, il y avait presque du soleil, en tout cas il faisait moins froid que la dernière fois, et je me sentais plus sûr de moi, mieux préparé, mieux équipé (j'ai laissé tomber les pulls, chaussettes et les pantalons qui une fois gorgés d'eau se révélaient de vrais glaçons, et j'avais prévu de me vêtir seulement de mon shorty, d'un k-way et de mes vieilles tennis).

Enfin je me disais que là on faisait juste une descente de rivière pour prendre du plaisir, pas pour apprendre des techniques compliquées qui vous renversent aussi surement qu'une quille par une boule de bowling, et là où on allait (la Vienne à la hauteur de Moussac), j'y suis déjà allé il y a 2-3 étés, et on y avait même fait du canoé en amateurs.
(à vrai dire, si on n'avait pas versé, tirouquin avait eu suffisamment peur pour qu'il en reparle pendant des mois en disant en substance "plus JAMAIS ça !".)

C'est donc confiant que j'avais pris la route, et presque confiant que je me suis installé dans le kayak (au passage en voiture j'avais vu la rivière et la suite de rapides et de tourbillons, iles, récifs et rochers , écume bouillonnante, dont elle était parsemée).
La premiere heure s'est bien déroulée, même si je regrettais de ne toujours pas avoir de gants pour mes mains gelées, et qu'il y avait bien des passages impressionnants pour moi.

J'étais même plutôt intérieurement satisfait (quoique compatissant) de constater que je n'étais pas le premier à chavirer et découvrir que l'eau c'était froid, même après qu'on en soit sorti.

Je n'avais pas prévu d'être le second.
C'était le passage le plus long et dangereux. Pas une chute ni même vraiment des gros rapides, mais sur quelques dizaines de mêtres il fallait traverser une zone de vagues de 2 mètres de haut (d'accord elles faisaient sans doute 50 cms mais quand on est dedans je vous jure qu'on se croirait facilement dans les mers déchainées des romans de Jules Verne de mon enfance, avec des creux et des bosses qui font comme des montagnes russes, l'eau qui vous gicle dessus et vous trempe à chaque nouvelle vague fendue).
Je n'en menais pas large mais j'ai fait bien attention de rester bien droit dans le sens du courant et de pagayer ferme sans paniquer, car au moindre écart angulaire, je n'étais pas convaincu de pouvoir redresser et je faisais plouf.
Je suis sorti de la zone de turbulence. Victorieux.
J'ai relâché mes influx nerveux, mon niveau d'adrénaline, j'ai posé ma pagaie devant moi, je me suis frotté les mains de satisfaction et pour les réchauffer, j'ai laissé mon kayak faire ce qu'il voulait (en l'occurrence un kayak laissé libre, ça tourne et se met en travers du courant, mais là sans rapides c'est pas grave normalement et ça me permettait de regarder comment s'en sortait les suivants à passer.)
J'ai également du relâcher mon attention et ma concentration. Le courant restait très fort et je suppose que c'est ce qui m'a perdu. J'ai senti mon kayak pencher sans raison apparente et en paniquant j'ai du amplifier le mouvement et en même pas le temps de m'en rendre compte j'étais dans l'eau et mon kayak bêtement retourné.
C'était vexant (et froid) mais je pensais philosophiquement que c'est une expérience que j'ai déjà connue à deux reprises sur le Clain et à priori je sais comment m'en sortir.
A posteriori, non.
Sur le Clain je me suis relevé, j'ai tiré péniblement mon kayak lourd et rempli d'eau à la rive proche et l'ai péniblement vidé.
J'ai constaté une fois dans la Vienne que je n'avais pas pied du tout, qu'il y avait un courant puissant qui n'avait rien à voir avec celui du Clain, qui nous emportait rapidement moi et mon kayak.
Que la largeur de la Vienne, sans aller jusqu'à celle de l'Amazone, n'avait rien à voir avec celle du Clain, et que j'avais fort astucieusement chaviré pile au milieu.

Un des pros du kayak m'a crié "on s'occupe de ton kayak, nage vers la rive, en crawl"
il a ajouté un truc que je n'ai pas entendu à propos du courant, quelque chose comme "nage contre le courant" ou "nage avec le courant".
J'ai nagé, mais c'était pas si facile que ça, et pourtant je sais correctement nager. J'avais un gilet, un k-way et des chaussures, et c'était plutot gênant pour cet exercice. Le courant était vraiment trop fort aussi, comparé à mes efforts, la rive ne se rapprochait pas du tout et je faiblissais à chaque battement.

Si une jeune femme n'était pas venue me tracter avec son kayak, je serais encore en train de dériver au milieu de la rivière, j'aurais fait coucou en passant aux chatelleraudais, puis au tourangeaux, j'aurais descendu la Loire et serais arrivé en Bretagne (presque) comme prévu aujourd'hui.

Elle a eu bien du mal à tirer un poids mort comme moi jusqu'à la rive, avec le courant qui nous prenait perpendiculairement pour nous amener vers les prochains rapides. Les deux pros n'y sont pas tout à fait arrivés, avec mon kayak rempli d'eau, et il m'a fallu descendre la rivière à pieds pour retrouver mon kayak une cinquantaine de mètres plus bas vers l'aval.

Un des pros aux prises avec mon kayak et le courant récalcitrants à failli verser lui-même, mais d'un coup de reins et de mystérieux coups de pagaie féroces il s'est relevé alors qu'il avait déjà presque l'épaule dans l'eau. J'aurais donné un an de ma vie pour savoir faire ce truc-là.

Au passage je proteste contre les services publics qui ne nettoient pas les berges des rivières. Pas du tout même. Il fallait tantôt que je me fraie un passage sur la rive couverte de ronces, tantôt que je glisse et trébuche sur le bord de l'eau quand la rive était vraiment impraticable, avec des sympathiques trous d'eau pour boire la tasse et des rochers pour m'abimer les genoux.

J'ai retrouvé mon kayak, obligeamment vidé par les collègues, j'ai remercié, je suis remonté dedans sans plus me faire remarquer, et j'ai adopté un profil très très bas.

La deuxième heure s'est passée sans autre ennui, et sans que personne d'autre ne chavire, et encore moins au milieu de la rivière dans une zone relativement paisible. (je ne souhaite de mal à personne mais j'ai trouvé ça vexant de la part de mes co-kayakiste, ils auraient pu faire un effort pour que je ne sois pas seul à me ridiculiser).

Je suis rentré chez moi les bras cassés (faut dire que j'avais fait 2 heures d'escalade le matin , avant mes deux heures de kayak de l'apres-midi), à presque 20h, et je me suis couché presque tôt, avec 1 g de doliprane pour combattre le coup de froid que je sentais poindre son nez.

Maintenant je vais en Bretagne et par la route, où éventuellement je comaterais tranquillement sous une couette, de toute façon la météo prévoit de la pluie.

19 commentaires:

Phoebe a dit…

Bon, maintenant tu arrêtes le kayak, tu ARRETES.

(tu es père, tu as charge d'âmes, tu as des responsabilités, tu dois pas te noyer, hein)

(pfiou les mecs il faut tout leur dire)

^^

Anonyme a dit…

Quand je pense qu'il y en a qui paient des abonnements aux piscines municipales...
Alors qu'on peut nager gratuitement !

Anonyme a dit…

Hi hi hi, faut pas insister non, qu'est ce que tu en penses ? Et puis sixtine a raison, tu crois que c'est raisonnable quand on est papa de faire le fou comme ça ?
Si tu avais suivi l'eau jusqu'à Tours, je t'aurais fait un petit coucou du pont ! lol
Sinon bonnes vacances mais ne nous oublie pas trop hein ! Bisous aux 3 loulous !

Telle a dit…

Pfiou ! Dans un sens, ça aurait été un peu plus écologique de faire partir toute la famille comme ça jusqu'en Bretagne, non ?

Tu me rappelles des souvenirs, qui reviennent soudain très nettement. Les berges non nettoyées (et ipso facto les jambes dans un état...), les rochers qui font mal, les passages faciles où on perd le contrôle (oui, ça m'est aussi arrivé). N'emp^che, j'aime toujours autant le kayak et je suis prête à recommencer !

Bonnes vacances !

Anonyme a dit…

bien, je n'ai pas DU TOUT rigole, ce n'est pas mon genre de me moquer tu le sais bien...

a mon avis la 3 eme occasion sera la bonne

et puis avec un peu de chance avec le courant je vais te voir debarquer chez moi ....

Anonyme a dit…

on dirait du Stephen King tellement ca fait flipper !! ... sans dec' !

Anonyme a dit…

Heu, Tirui, tu es masochiste ???
J'ai dû me raisonner en me disant "s'il écrit, c'est qu'il s'en est sorti..." mais j'ai quand même bien flippé...
Et si tu te mettais au point de croix ? non ? tu préfères le crochet ?

Anonyme a dit…

Allez avoue: Y'a quelqu'un qui te filme pour vidéo gag hein?

Bismarck a dit…

C'est bien ce que je disais à mes élèves, la "Schwimmweste" (ou gilet de sauvetage, mais "veste à nager" en allemand), contrairement à ce que son nom indique, n'est pas du tout pratique pour nager.
Je te renouvelle donc mon admiration.

Anonyme a dit…

bin ça fait pas envie ! tu vas continuer ou attendre de pouvoir en faire par 35° et plein de monde dans les rivières pour te sauver ?

Anonyme a dit…

Impressionnant.

Heu, en Bretagne, on peut faire du kayak de mer ;-)

Anonyme a dit…

Tu nous fais de ces frayeurs ! Mais qu'est-ce-que tu seras fier quand plus rien ne t'arrêtera ! :-)
J'espère que tu penses à emmener des barres chocolatées pour le réconfort d'après l'effort.

tirui a dit…

sixtine, pas question, le kayak n'aura pas ma peau, c'est moi qui aurais la sienne :-D

viviana, en plus l'eau des piscines est pleine de produits chimiques, beurk

elsa, je ne vous oublie certes pas, même si l'accès à internet est un peu compliqué ;-)

telle, quand je maitriserai enfin l'engin, faudra qu'on fasse une sortie kayak tous ensembles :-)

cahuette, ce n'est absolument pas ton genre de te moquer,non, du moins je ne t'ai jamais vue te moquer lorsque tu étais morte, évanouie, endormie, ou avec 41° de fièvre !

drine, je n'aime pas stephen king mais je te remercie de la comparaison quand même O:-)

rêve d'été, tu as bien deviné, je suis effectivement masochiste (la preuve je fais de l'escalade alors que j'ai le vertige quand je dépasse 5 metres de haut)

sosso, presque : le prof de kayak avait un camescope mais il m'a filmé seulement lorsque je suis passé sans encombre et ne filmais plus lorsque je me suis renversé, alors tant pis pour video gag, je n'y passerais pas !

bismarck, pas pratique mais ça évite de se noyer quand même, et c'est rassurant, avec je n'ai pas eu la moindre inquiétude, meme quand j'ai bien vu que je ne rejoindrais pas la rive par mes propres moyens. :-)

valérie, 35° j'aimerais bien mais l'eau des rivieres du poitou n'atteint jamais cette température (et s'il fait 35° dehors, le choc thermique quand on tombe dedans ne doit pas etre tres agréable non plus)

pmb, je n'en ai pas fait mais le kayak de mer comporte également des risques, y a des vagues, des récifs, etc

coucac couac, je suis parti précipitamment et ai oublié ce genre de réconfort mais des jeunes filles y avaient pensé et m'en ont offert généreusement. ça a des avantages d'avoir l'âge d'être leur père :-D

Anonyme a dit…

un véritable périple dis donc...

bravo d'en être sorti indemne, tu es un vrai HERo !!

nOUS venons de regarder un cd piraté de la fin de la saison 1, je dois être un peu contaminé à cette série, je vois des Héroes partout !!

NatduVénéz a dit…

Tu crois que t'aurais dérivé jusque chez nous, ici, au Venezuela ? Parce que, si oui, je t'aurais fait coucou aussi !
Pffou ! J'en avais la chair de poule en te lisant ...
Bon, bah, bonne promenade en Bretagne. Mais c'est qu'il a pas l'air de faire chaud-chaud là-bas en ce moment !

tirui a dit…

bertrand, j'espere que ce sont des héros gentils, et qu'en plus ils s'en sortent vivants à la fin, je tiens à survivre encore qques années ;-)

natduvenez, il fait surement moins chaud qu'au Venezuela mais ça va, j'ai connu pire, et ici il y a une cheminée, je passe bcp de temps à lire devant :-)

a n g e l a dit…

super post, on s'y croirait!

En tous cas, tu m'EPATES!

whaouh *_*

Anonyme a dit…

Tu vis vraiment dangereusement! A ce rythme on ne vas pas te voir au prochain pique-nique....

tirui a dit…

angel, reusement qu'on s'y croirait, je rappelle que c'est du vécu, intégralement :-D

dany, au prochain picnic je viens en kayak, pour vous impressionner (pis je te rappelle que la 1ere fois que tu m'as vu j'étais déjà dans l'eau, c'était prémonitoire) ;-)