03 septembre 2005

épisode 1 : la Rentrée de la Rêveuse

On était pratiquement les premiers, et sur les grandes baies vitrées des affiches placardées.
L'avantage de transmettre à ses enfants un nom impossible, c'est qu'à 15 mètres j'avais repéré ma Rêveuse sur une des listes.
avec 14 CM1 comme elle et 7 CM2.
Un coup d'oeil au sommet de la liste et étonnement, Valérie d'A., sa maîtresse de l'an dernier.
"N..., tu as Valérie".
Incrédulité puis joie se peignent tour à tour sur son visage.
Joie que ne parvient pas à dissiper l'absence sur la liste de ses meilleures copines. Plus tard, après s'être débarassé de tirouquin dans la sienne, nous revenons et montons vers sa classe, couloirs encombrés de parents et d'enfants, bruissements, retrouvailles, ambiance électrique. Valérie arrive, la Rêveuse l'accroche au passage, elles s'embrassent avec effusion et N... glisse sans gêne sa main dans celle de la maîtresse comme pour se l'approprier. Une maman à côté de moi sourit légèrement moqueuse : "tiens, la chouchoute de la maîtresse".
Je me souviens des premiers mois de l'année dernière, des sorties d'école de N..., visage fermé, se transformant soudain à ma question rituelle "comment s'est passée ta journée ?", tantôt en larmes entrecoupées de hoquets "ma maîtresse elle est méchante", tantôt en regards meurtriers "je la hais !".
Même plus tard, enfin apprivoisées l'une l'autre, il y avait encore de ses soirs où il valait mieux éviter de s'approcher trop près de N..., bouillonnante parce que Valérie avait osé, inflexible, la garder après la sonnerie pour copier ce qu'elle n'avait pas daigné copier.
L'affrontement pouvait renaître n'importe quand, mais c'était celui de deux caractères qui s'étaient reconnus et se disaient "tu es têtue et bien moi aussi".
Aux deux fêtes du printemps elles s'étaient encore surprises l'une l'autre, N... en participant au spectacle de danse orientale, Valérie en rejoignant la petite troupe sur scène à la fin pour danser elle aussi, avec N... tout sourire.

Alors peut-être ma rêveuse est la chouchoute de la maîtresse, mais une chouchoute dont je n'ai pas honte, pas une de ces chouchoutes serviles et calculatrices qui minaudent devant chaque instit successif pour s'attirer ses bonnes grâces, mais l'affection presque d'égale à égale entre 2 êtres qui se sont férocement affrontées avant de se reconnaître et apprécier.
Chaque année depuis le CP il faut longtemps avant que chaque instit se rende compte que N... n'est pas paresseuse, ne fais pas preuve de mauvaise volonté, aime apprendre mais préfère rêver que d'accomplir des tâches barbantes ou répétitives.
Je suis content parce que cette année il n'y aura pas de douloureuse période d'incompréhension totale entre le maître et l'élève.
Je n'aurais pas à aller expliquer que la Rêveuse est distraite certes, obstinée et têtue aussi mais tout prête à travailler pour peu que ce soit par affection et pas par obligation, en lui demandant aimablement plutôt que par la menace.
Comme moi autrefois, N... ne peut pas être motivée par le sens du devoir, par la coercition, ni par son avenir, mais seulement par l'envie de faire plaisir à quelqu'un quelle aime ou admire.
Pour l'instant à chaque fois ça a marché, le courant est passé, la lumière s'est allumée, N... et son instit ont noué une relation affective intense et motivante.
Je ne sais pas combien de temps cela durera mais j'ai bien travaillé jusqu'en thèse seulement pour faire plaisir à mes professeurs...et arrêté ensuite en n'en ayant plus mais c'est une autre histoire.
Bien sûr ma fille ne me ressemble pas entièrement, je n'ai pas comme elle de sang breton et je ne me suis jamais opposé à mes maîtres comme elle le fait souvent, ma Rêveuse qui n'a pas froid aux yeux.



et prochainement les rentrées de tirouquin et grandtoinou, mais aussi les amours de la mante religieuse enfin dévoilées sans censure, et le Blog Day en retard pour pas faire comme tout le monde. (bon en vrai parce que le 31 août a été un jour funeste)

10 commentaires:

Anitta a dit…

Finalement, le titre du billet est très bien choisi ! On se croirait dans la Guerre des Etoiles, ce que le corps du billet n'arrive pas, d'ailleurs, à démentir tout à fait ! N... a basculé du côté clair de la force ! (par contre je n'ai pas reconnu Obiwan Kanobi). En tout cas, moi je signe pour la trilogie, et même les trois épisodes d'avant et les trois d'après si l'envie t'en vient...!!

tirui a dit…

mais qu'est-ce que tu fiches encore debout à cette heure ci toi ?!

Obiwan c'est moi voyons, j'ai déjà des cheveux blancs (au milieu de mes boucles noires d'accord et pas de barbe non plus, nobody's perfect) ;-)

véro&françois a dit…

Moiq ui ne suis oas unb fidèle du blog j'avoue avoir troiuvé un nouveau "Wellbeck"...
Question ; LA mante religieuse est-elle la maitraisse de maison ?????
a +
pyt être sur not' blog à nous k'on a...

Anonyme a dit…

hum hum... j'aimerais que tu laisses porphyre en dehors de nos légers conflits. Je ne suis pas sénile, je suis une victime d'alzheimer, c'est tout. c'est pas beau de se moquer des zandicapés.
et sinon, ben... bon courage à la rêveuse. et au zautres d'ailleurs.

Anonyme a dit…

Très intéressant billet "vu du côté du papa"... mais je suis agacée par la remarque de la "bonne femme" qui parle de "chouchoute de la maîtresse". C'est difficile quand on est enseignant de devoir toujours se censurer pour éviter que les autres élèves se rendent compte à quel point on apprécie l'un d'eux. Il m'est arrivé d'avoir des sentiments très forts pour certains de mes élèves (respect, complicité, voire même admiration) et de me sentir frustrée de devoir rester constamment en retrait pour ne pas que les autres les considèrent comme mes "chouchous"...

tirui a dit…

doublemum, ne traine surtout pas, un prof en retard un jour = 100 personnes qui en profitent pour affirmer que les profs sont toujours en retard.

véro&françois, la mante religieuse n'était qu'une promeneuse des murs de la maison, pas la maitresse de celle-ci.

hedwige, d'accord je ne me moque plus, faut pas tirer sur les ambulances. o:-)

samantdi, même en s'attachant à la plus stricte égalité de traitement envers chacun, parents et élèves trouveront toujours moyen d'imaginer des préférences.

Ally a dit…

Le pire c'est que la jalousie c'est a tout âge ! J'suis en quelque sorte la chouchoute des mes chefs au taf et de la jalousie de la part de certains, y en a ! mais faut pas faire attention, la bêtise humaine n'a pas de limite...

On connaissait la tête d'ange de titrouquin, maintenant on la tête d'ange de N...Elle est trop belle !!!

tirui a dit…

allison, si je puis me permettre une suggestion, c'est de jeter un oeil dans les mois précédents sur les photos et montages que j'y ai mis.J'avais commencé par les plus réussis. ;-)
Au boulot comme à l'école il vaut sans doute mieux être le chouchou que la tête de turc, à choisir...

doublemum, il y a des petites différences dans nos parcours, et Noé*mie n'est pas mon ainée, mais à part ça je suis d'accord avec toi. Et j'aime enseigner aussi.
Pour l'instant ils aiment l'école...sauf quand il y a incompréhension avec leur instit, et sauf la cantine.

Ally a dit…

Ayé tout vu. :o)

tirui a dit…

doublemum, l'avantage d'enseigner à des "adultes", c'est de laisser tranquilles ceux qui préfèrent leur torpeur, ils sont responsables de leurs choix et devront les assumer à la fin de l'année.

allison, t'étais pas obligée mais c'est très bien. tu auras des points en plus à la fin de l'année.

vroumette, ce n'est peut-être pas si différent que d'aimer ses propres enfants autant les uns que les autres, tout différents qu'ils soient. Mais je n'ai pas expérimenté le métier d'instit.